Bijoux traditionnels, bijoux modernes

Dans une société comme la nôtre, qui succombe volontiers à la tentation de se définir par rapport à ce qu’elle a, il nous est difficile d’imaginer qu’un bijou ne puisse être autre chose qu’un objet de désir.
Objet de convoitise, le bijou est aussi un objet de consommation courante. Ardemment désiré, il s’achète de manière compulsive et est rapidement mis aux oubliettes. Ce qui donne lieu à la florissante industrie du bijou de pacotille.

Pourtant, on retrouve dans plusieurs sociétés rurales traditionnelles une conception bien différente du bijou. Ce fait m’a frappé lors de séjours réalisés au Maroc, il y a quelques années et surtout à la lecture du livre «Les arts traditionnels marocains » de Mohamed Sijelmassi, publié aux éditions Aubanel.

Les bijoux traditionnels marocains dits « berbères », fabriqués en argent, étaient essentiellement portés par les femmes en milieu rural. Ils étaient transmis d’une génération à l’autre et constituaient un patrimoine familial chargé de symboles.

Liés aux personnes, à la tribu et au territoire, les bijoux traditionnels marocains racontent l’histoire des peuples, de leurs multiples traditions locales et du mélange complexe des influences africaines, romaines, arabes et européennes subies au fil des siècles. La fibule, qui s’agrafe sur la poitrine ou sur les épaules, en est un bon exemple. Elle était surtout destinée à attacher des vêtements, certaines ayant pu jouer un simple rôle de broche décorative. Répertoriée depuis le VIIe siècle av. J.C., elle s’est déclinée en de multiples styles au fil des siècles et jusqu’à l’époque moderne. La photo ci-contre présente une fibule en argent moulée fabriquée dans la région de Meknès dans les années 1813.

Chaque région possédait ses propres artisans qui perpétuaient leur art, au point que, selon la forme et la décoration d’un bijou, on pouvait reconnaître avec précision la région de production et la tribu à laquelle appartenait la femme qui le portait. Le port des bijoux était en effet réglé par les coutumes ancestrales. La situation a bien changé depuis la migration de la population dans les villes. Les bijoux traditionnels ont quitté les familles pour se retrouver dans les musées ou dans les souks.